L'agonie de Notre Dame de Reims

De L'ILLUSTRATION N°3869 du 28 avril 1917.

Le Lokal Anzeiger du 11 avril (1917) publiait, sous la signature de son correspondant de guerre, Karl Rosner, une lettre du front occidental, datée du 7, dans laquelle le journaliste prussien versait des larmes de crocodile sur le sort de Reims et de sa cathédrale, dont il entrevoyait, prédisait la destruction prochaine. Les temps étant, paraît-il, venus — « l'instant psychologique du bombardement », disait M. de Bismarck — l'anéantissement de la vieille basilique est commencé, se consomme jour par jour.

« Le hasard de la vie au front, nous écrivait, le 19 avril, un officier supérieur de haut mérite militaire, m'a fait visiter Reims aujourd'hui, au moment où une batterie allemande de 130 bombardait systématiquement et exclusivement la cathédrale, par un tir coup par coup, lent et très précis. J'ai vu trois obus tomber sur l'abside et un sur la tour Sud, jusqu'à présent intacte. » Et pour illustrer sa lettre, l'appuyer, notre distingué correspondant nous adressait des clichés qu'il avait pris lui-même et que nous reproduirions si nous n'en avions reçu, d'un autre correspondant, de plus éloquents encore. Ce n'est pas seulement des 130 que les Barbares déversent sur la cathédrale de Reims, mais des 305 : on en a le témoignage direct par des culots ramassés au pied de l'imposante ruine et par les trois clichés publiés ici, qu'on ne peut vraiment contempler sans un serrement de cœur et un frisson de colère.

Le journaliste allemand plus haut cité s'appliquait à justifier par des raisons militaires le bombardement de Reims. Ces trois images montrent, de façon trop cruelle pour qu'on y insiste, que c'est la cathédrale même qui est visée. Or, la cathédrale n'a jamais, à aucun moment, joué dans la défense de Reims le moindre rôle : une protestation du cardinal Luçon vient encore, en ces derniers jours, de l'attester solennellement. La haine des vandales contre un chef-d'œuvre français, leur rage criminelle sont seules en cause.