Extrait de l’illustration n°3772 du 19-04-1919

NOTRE   MONNAIE   DE   GUERRE

 

La numismatique française sortira de la guerre singulièrement enrichie. Voilà du moins une nouvelle riche sympathique et dont l'opulence fera plaisir à tout le monde, au collectionneur avant tout. Collectionneur! Qui ne l'est peu ou prou? N'y a-t-il pas en chacun de nous un numismate qui s'ignore? Ne sommes-nous pas, du petit au grand, amoureux de la médaille et de la monnaie, du métal bien frappé et sonore, brillant et jeune ou antique et terni par le temps? Qui n'a point, précieusement serrés dans un tiroir, quelques-uns de ces indestructibles témoins du passé, que l'on se lègue pieusement de père en fils?

Toutefois l'heure n'est point encore de parler des médailles de la guerre. L'histoire métallique de la France triomphale n'est pas encore écrite: à peine l'a-t-on ébauchée. Nous espérons, afin que le souvenir en soit impérissable, voir dans l'après-guerre cette époque merveilleuse gravée dans le métal par nos artistes, encouragés et dirigés par l'Etat.

La monnaie de guerre, au contraire, monnaie de fortune, voit son histoire écrite tout entière et bientôt terminée sous nos yeux. Née avec et de la guerre, n'ayant comme elle que trop duré, elle ne doit pas survivre longtemps à celle-ci. Masse imposante, aujourd'hui, de billets bigarrés, multicolores et multiformes, de jetons en carton ou en métal, ronds, carrés, rectangulaires, etc., elle disparaîtra demain sans autres traces que les témoins sauvés par de pieux collectionneurs. Déjà une partie — les billets des régions sinistrées — rentre dans les caisses de notre ministère des Finances qui en est submergé; l'autre circule encore dans nos départements, mais combien déchirée, fatiguée, crasseuse, ignoble. Demain l'or, l'argent et le bronze sortis de leurs cachettes se remettront à rouler comme devant. L'historien numismate, tel un peintre se hâtant de fixer sur sa toile, avant qu'il ne disparaisse pour toujours, le galbe d'un illustre mort, doit sans tarder retracer la vie éphémère de la monnaie de guerre.

Cet article ne saurait évidemment avoir une telle prétention.

C'est la paix: alors la richesse circule librement, chacun ayant confiance. Mais le fléau de la guerre vient-il à menacer, l'homme aussitôt retire de la circulation ce qu'il a de précieux, et tout d'abord, d'un geste atavique, cache son or et son argent. Il thésaurise, il enfouit son métal, le papier ne lui inspire plus que méfiance. Lointains, mais vivaces souvenirs des banqueroutes monétaires de notre vieille Royauté, des assignats de notre Révolution !

C'est le spectacle que nous eûmes aux derniers jours de juillet 1914!

Dans Paris, la queue commença, la première, suivie de tant d'autres, la queue aux Banques et aux Caisses d'Epargne pour retirer l'argent. Et tandis que l'homme des villes faisait la queue, celui des campagnes, de tout temps méfiant envers le papier et, pourrait-on dire, éminemment métallophile, thésauriseur de métal, sautait sur son magot et le mettait en sûreté dans les tiroirs, dans les matelas, dans la terre, — non seulement l'or, non seulement l'argent, mais le bronze, le pauvre petit sou, sacré d'un coup métal précieux. Que de trésors enfouis, perdus par la disparition de leurs propriétaires, seront, un jour ou l'autre, remis de-ci de-là en lumière, par rencontre, au hasard d'un coup de pioche!

Bref, la raréfaction du numéraire métal, tel fut le premier effet de la guerre imminente !

Or, si l'on se souvient que la monnaie-papier n'était alors représentée chez nous que par des coupures de 50 et 100 francs, on comprendra la gêne qui se manifesta immédiatement dans les transactions commerciales, l'impossibilité absolue dans beaucoup de cas de régler les salaires. Grande dans les villes, où la circulation monétaire est plus intense, cette gêne s'étendit bientôt aux moindres campagnes par l'effet du décret du 2 août 1914. Cette loi, on s'en souvient, confiait aux communes, sur tout le territoire, le payement de l'allocation aux femmes de mobilisés. Dès lors point de caisse municipale, si modeste fût-elle, qui ne se trouvât entravée dans son action par le manque de numéraire.

Un certain nombre de maisons industrielles importantes durent sur-le-champ improviser un remède. Elles créèrent à cet effet une sorte de bons de confiance généralement remboursables à leurs guichets par fractions de 50 francs.

Mais ce n'étaient là que des remèdes locaux à un malaise général, des expédients privés, alors que la pénurie de monnaie divisionnaire était universelle.

La mise en circulation par la Banque de France de coupures de 5, 10 et 20 francs fut aussi un palliatif insuffisant. L'Etat avait beau frapper sans relâche monnaies sur monnaies (la Monnaie, durant son séjour forcé à Castelsarrazin fit frapper des pièces de 1 et 2 francs, ayant un C au revers comme différent), il avait beau lancer sur le marché économique une mitraille d'argent, une menuaille de bronze ou de nickel, le tout était immédiatement saisi, happé par le pays, pour disparaître et s'engloutir comme dans un vaste tonneau des Danaïdes.

L'Etat défaillant, l'on se mit, ressuscitant un vieux droit régalien, à battre et à imprimer monnaie sur tout le territoire, chacun selon ses nécessités, ses goûts et ses moyens : municipalités, chambres de commerce, groupes industriels, particuliers même. De là une multiplicité, une variété et une richesse de formes qui font déjà la joie des collectionneurs.

Ce phénomène de décentralisation monétaire est inhérent à toutes les périodes troublées de notre histoire. Durant l'époque féodale tout grand seigneur battait monnaie. La France de la Révolution vit circuler, à côté des assignats officiels, d'innombrables bons de communes. Au printemps de 1790, le numéraire vint à manquer. «Louis d'or, gros et petits écus, écrivent les Goncourt (La Société française pendant la Révolution, Paris, 1854, p. 229), disparaissent; Firmin Didot est obligé de payer ses ouvriers avec des billets portant sa signature ». Eternel recommencement de l'histoire !

Enfin chacun sait que notre numismatique s'enrichit encore pendant la guerre de 1870-71 de quelques centaines de bons et de billets de monnaie.

Il convient de distinguer pour introduire un peu d'unité dans cette diversité :

1° les coupures des pays non envahis: billets émis par les Municipalités et les Chambres de Commerce, les sociétés, les particuliers, jetons (carton ou métal) et tickets des villes, Chambres de Commerce et des commerçants;

2° les billets et tickets des régions envahies, émis par les villes et communes ou syndicats de communes;

3° les billets émis en Alsace;

4° les billets et jetons pour les camps de prisonniers et les camps de concentration et d'internés.

Ce seraient les quatre chapitres d'une histoire de la numismatique française de la grande guerre.

Les départements, constituant dans le pays, jusqu'à nouvel ordre et faute de mieux, autant de petites unités économiques, se chargèrent tout naturellement, chacun pour son compte, de remédier à la crise monétaire locale. Ils le firent au moyen de coupures de 0 fr. 25, 0 fr. 50, 1 franc et 2 francs, émises par les Municipalités et plus ordinairement par les Chambres de Commerce et garanties par un dépôt d'égale valeur à la Banque de France. Un seul département s'est abstenu de battre monnaie, celui des Hautes-Alpes, exception unique à laquelle les économistes découvriraient facilement des raisons. A tout Seigneur...: la Chambre de Commerce de Paris, dès les premiers jours du mois d'août 1914, imprima des coupures de 0 fr. 50, 1 franc et 2 francs, qu'elle détruisit au moment de l'approche de l'ennemi.

Les coupures au-dessus de 2 francs sont rares, et pour cause, l'Etat en ayant émis, par l'organe de la Banque de France, de 5 fr., 10 fr. et 20 fr. Signalons Nancy, Lunéville, Mayenne (5 fr.), Montreuil-sur-Mer (5 fr. et 20 fr.). L'afflux des réfugiés belges, qui étaient envoyés principalement dans les régions limitrophes de la Somme, engagea la petite ville d'Ault (arrondissement d'Abbeville) à émettre, en échange des billets belges, des coupures de 1 franc, 5 francs et 20 francs. Souvent plusieurs chambres de commerce se réunirent pour garantir l'émission (Alençon et Fiers; Ajaccio et Bastia; Caen et Honfleur; Rennes et Saint-Malo; Quimper et Brest; Ambert, Riom, Clermont-Ferrand et Thiers, etc.). Quelquefois l'émission fut garantie conjointement par la Chambre de Commerce et la ville; ailleurs, par les villes seules, surtout dans le Nord de la France.

Les premières émissions furent faites avec des moyens de fortune, comme à Louviers, par exemple, ou à Amiens, dont le premier billet, émis par la banque Duvette, fut tiré d'un carnet à souches. Puis on s'efforça de leur donner un caractère artistique, grâce au coloris, à la décoration et au sujet. Mais l'intention est souvent plus digne d'éloges que l'exécution. Tels visent à la symphonie des couleurs qui rencontrent seulement la cacophonie des tons. Trop souvent on jongle bravement avec les couleurs, on réalise des alliances douteuses, des mariages forcés. M. Emile Magne, dans « La numismatique de la guerre » (Revue hebdomadaire du 6 octobre 1917) a déjà stigmatisé « les bleus posés sur fonds rosés, les rosés sur fonds bleus, les verts sur rosé, les bleus sur jaune, les violets sur vert, les jaunes sur bleu, les vermillons coruscants, les verts crus, les jaunes hurlants, toutes sortes de combinaisons colorées qui semblent avoir pour principe de braver les lois de l'esthétique ».

  Dans la décoration, comme dans le choix des sujets, on déplore trop souvent le manque de goût, l'absence de sobriété et de discrétion. Cependant, félicitons-nous que tout en ne prétendant pas faire une œuvre d'art, mais seulement réaliser un instrument d'utilité courante, on nous ait dans l'ensemble, en dépit de quelques erreurs, doté d'une numismatique de guerre honorable.

En cette matière d'ailleurs il sied de ne pas faire les délicats et de louer bonnement quand à l'utile se joint l'agréable. Or les compositions agréables ne font pas défaut, ni les tons qui charment l'œil, ni les ensembles décoratifs sobres et distingués. Juge délicat et peu enclin à l'indulgence, M. Emile Magne, dans l'article déjà cité, s'est plu à le reconnaître:

« Les billets de Bourg et de Maçon, dit-il, l'un (0 fr. 50) mauve, l'autre (1 franc) d'un bleu céleste, tous deux à peine nuancés, sur les fonds, de roux, offrent des versos adorables, où des fruits, teintés d'une brume de couleur, encadrent des bleus et des mauves d'une légèreté presque fluide. Composé de telle sorte que sa décoration et son texte n'interrompent nullement la magnificence du paysage, le billet de la Roche-sur-Yon (0 fr. 25) est d'un bleu azuré ; celui de 0 fr. 50 présente une couleur générale d'épi mûr. Il est traité avec un goût exquis et des dégradations de teintes allant de l'or vif au jaune pâle parviennent à rendre la beauté intégrale du jour d'été favorable à la moisson ». Le billet de Tours « présente un ensemble décoratif classique, riche sans exagération. La couleur rousse, ton sur ton, plaît à l'œil. Nulle vulgarité; au contraire, ce billet, sans aucun tableau qui évoque l'opulent terroir jalonné de châteaux, se singularise par son aspect aristocratique ». « Des alliances de bleus passés sur blanc ou sur ton de chair bronzée embellissent » le billet de Nîmes, où le texte apparaît à peine. « La prodigalité de l'ornementation ne choque point. Elle semble avoir été conçue par quelque ciseleur florentin épris de somptuosité ». Le billet de 1 franc de Rochefort-sur-Mer est d'un bleu tendre, très léger, sur lequel se détachent des blancs et des bleus foncés agréablement combinés. Très délicate aussi et de tons variés, la série des billets de 0 fr. 25, 1 franc et 2 francs de Mayenne, dont les versos présentent divers aspects de la ville.

  A la variété des couleurs et des tons, au dégradé des teintes et des nuances s'ajoutent d'autres éléments esthétiques: les encadrements et les sujets. Des cadres, il en est d'heureusement imaginés, jolies dentelles ou fines tapisseries, à dessins géométriques, .à entrelacs de fruits et de feuillages. Une dentelle en point d'Alençon enguirlande le billet de la Chambre de Commerce de cette ville et de Fiers. Elle ne pouvait faire moins!

Des sujets il y a peu de chose à dire, sinon qu'ils n'émanent pas de grands artistes. Les écussons et les armes des villes en font le plus souvent les frais. Tantôt ce sont des figures allégoriques: le Travail et l'Agriculture. La Semeuse de Roty à gauche, une faneuse à droite, sur un fond bleu pâle, bordé d'un encadrement à tresse de couleur, font du billet de la Roche-sur-Yon et Vendée (0 fr. 25, 0 fr. 50, 1 franc, 2 francs) une petite fresque en miniature d'un goût tout classique.

Tantôt ce sont des vues pittoresques: le Mont Saint-Michel, au revers du billet de la Chambre de Commerce de Granville; le pic du Midi de Bigorre, sur ceux de Tarbes ; la vue de la Cité sur ceux de la Chambre de Commerce de Carcassonne; ailleurs le port de Rouen ou un coin de Remiremont, avec soi église au premier plan.

Quelquefois l'artiste puise son inspiration dans les souvenirs historiques locaux. Les Chambres de Commerce de Bordeaux et de Lyon ont fait reproduire des jetons frappés au dix-huitième siècle. Moins sobres de coloris que les billets de la Roche-sur-Yon, ceux de la Chambre de Commerce de Belfort (1917) témoignent d'un goût délicat et réalisent un ensemble original, avec le fier lion bleu (0 fr. 50), rosé (1 franc) et la reproduction face et revers des pièces dont ils suppléent la valeur.

Le verso du billet de 0 fr. 25 des syndicats commerciaux des Pyrénées-Orientales représente, au dessus de l'aigle impérial transpercé d'un glaive, le vainqueur de la Marne dans un petit médaillon vert. Joffre figure encore en face de Charles Martel, avec les deux dates, tout un symbole, 732 et 1914 sur les billets (0 fr. 50, 1 franc) de la Chambre de Commerce de Poitiers et de la Vienne. C'est là un hommage unique. Le Français né malin n'est pas tendre à ses contemporains, à l’encontre des Allemands, dont la numismatique de guerre révèle un goût prononcé pour les fétiches vivants: l'empereur et son héritier, rois et roitelets, maréchaux, généraux, amiraux, vautours de l'air et requins des mers leur ont semblé propres à médailles, sinon à monnaie.

Goût de la flatterie et génie de la réclame!

Seule, sur les jetons en carton de Brive, Mrae P..., reine des félibres, partage la gloire numismatique du maréchal Joffre

Enfin, la Région Provençale a émis, par les soins des Chambres de Commerce de Marseille, Avignon et Nîmes, un billet de 0 fr. 50. Les fleurs s'épanouissent, les fruits rutilent et une minuscule carte de la Méditerranée a été posée au verso par une main experte avec une infinie coquetterie.

Faire des billets de 0 fr. 25, 0 fr. 50, 1 franc, '2 francs, n'était pas suffisant. Car tout le numéraire-métal, jusqu'au plus vulgaire billon, s'était raréfié. Rien de plus gênant, de plus agaçant que le manque de sous. Des sous, chacun est forcé d'en tirer de sa poche à toute minute du jour, pour acheter son journal, payer sa place au tramway, sa chaise à l'église, pour faire l'appoint dans les menus achats journaliers, pour donner un pourboire au garçon de café, à son perruquier, à l'ouvreuse. Un sport inconnu prit naissance, la chasse aux sous. Qui dira l'ingéniosité déployée par la marchande de journaux du kiosque, la petite mercière du coin, le camelot de la rue, pour avoir toujours la poche pleine de sous, petits et gros, condition de leur négoce !

  Or, le sou ne roulant plus, on en fabriqua, « c'est la guerre! », avec n'importe quoi, du papier, du carton, du métal: aluminium, fer, zinc, laiton, fer étamé, cuivre. Chacun, sur tout le territoire, s'ingénia à remplacer le sou : villes (Versailles, Neuilly, Malakoff, Saint-Germain-en-Laye, Vincennes, Vanves, Chatou, etc., dans la banlieue de Paris; Perpignan, Saint-Gaudens, Luchon, Toulouse, Cahors, Brive, Besançon, etc.) ; syndicats de communes; compagnies de tramways (Toulouse, Lyon, Marseille) ; paroisses (église métropolitaine de Saint-Etienne de Toulouse, de Saint-Sulpice-la-Pointe, Tarn) ; journaux (Eclaireur de Nice) ; établissements industriels, maisons de commerce, boutiquiers de tout poil et de tout grade.

  Inutile de songer à en faire ici l'énumération. Le collectionneur le plus têtu et le plus malin n'en aura jamais qu'une collection approchée. Quel pèlerin si dévot de la numismatique voudrait parcourir toutes les communes de France, et rendre visite au dernier de nos tenant-boutique?

Songez qu'il devrait encore s'embarquer pour nos colonies et nos pays de protectorat les plus lointains, où la numismatique de guerre s'est aussi épanouie: Algérie (Alger, Philippeville, Constantine, Bône, Bougie, Sétif, Cherchell, etc.) ; Tunisie, mines de Gafsa; Madagascar, timbres collés sur cartons, avec un chien au revers ; Sénégal, Martinique, Guyane, etc.

D'ailleurs, en ce qui concerne les jetons et les tickets, il ne saurait être question d'art, mais seulement de curiosité.

Dans les pays envahis, le manque de monnaie se fit encore plus cruellement sentir. Là, tout métal était de bonne prise pour l'ennemi qui confisqua chaudrons, cloches et chaudières, or, argent et billon. En même temps chacun cachait plus soigneusement encore son métal précieux. Toute une monnaie-papier surgit donc depuis les coupures les plus modestes jusqu'aux billets de 10 francs, 20 francs, 100 francs et même 500 francs. Elle servit au paiement des impositions de guerre, de la main-d'œuvre forcée aux armées ennemies, des allocations militaires. Ce fut durant ces années cruelles une débauche, un foisonnement de billets de toute valeur.

Ne leur demandons pas de cachet artistique, encore que plusieurs en aient (ceux de Roubaix-Tourcoing, par exemple). La plupart sont pauvres de coloris et nus d'ornements. Mais ils ont un autre prix à nos yeux. Ne témoignent-ils pas, à leur façon, de tant de souffrances de notre peuple pressuré, rançonné par un ennemi implacable, et de sa grande énergie à vivre jusqu'à la victoire.

Ce sont les billets des villes qui, sous le feu de l'ennemi et à la portée de ses canons, ont continué un labeur héroïque: Nancy, Lunéville, Dunkerque, Arras, Béthune

Ce sont les billets des grandes villes industrielles .du Nord: Lille, Roubaix et Tourcoing, Saint-Quentin; des villes frontières et militaires des Ardennes et de la Woëvre: Sedan, Rethel, Mézières-Charleville, Thiaucourt et Saint-Mihiel, ces derniers imprimés à Trêves.

  Plus douloureux encore, parce qu'ils témoignent de la contrainte maudite imposée à nos envahis, les billets de nos charbonnages du Nord: Aniche, Anzin, Lens, Courrières, Béthune; ceux de nos aciéries et hauts fourneaux du bassin de Briey: Jœuf (billets de la commune), Homécourt, Auboué, etc.

Vous mettant dans cet état d'esprit, feuilletez, comme je l'ai fait, le Catalogue des billets émis pendant la guerre (6e édition), édité par A. Forbin, simple catalogue de marchand, tout sec, strictement énumératif, et vous serez édifiés de la dure vie économique endurée par nos envahis du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme, des Ardennes, de l'Aisne, de la Meuse, de la Meurthe-et-Moselle. On y lit par exemple:

Neuvilette (Aisne), 280 habitants. 7 novembre 1914, 0 fr. 25, 1 franc; 17 janvier 1915, 1 franc, 5 francs; 4 juillet 1915, 0 fr. 50, 1 franc, 2 francs; bon régional, 0 fr. 25, 0 fr. 50, ï franc, 2 francs. 10 francs.

Potte (Somme). 103 habitants: 0 fr. 50, 1 franc. 2 francs, 5 francs.-

Il y a mieux encore:

Florenville (Nord), 54 habitants: 1 franc, 2 fr.

Pauvres îlots minuscules, isolés par l'invasion et contraints de se constituer leur monnaie, tel un Etat! Combien d'autres, enfin, témoignent d'une vie éteinte, d'un bourg anéanti (Drocourt, Quéant, Coucy-le-Château, Bapaume) !

Ce n'est point là toute la numismatique française de guerre.

La place fait défaut pour parler avec quelque détail des billets émis en Alsace, durant notre occupation, par des communes ou des groupements industriels (Mulhouse, 1, 2, 5 m. ; Bitschwiller ; Mitzach ; Saint-Amarin ; Thann, etc.). D'ailleurs ils n'ont aucune prétention artistique. Beaucoup sont collés sur toile, ce qui ne doit pas étonner dans ce pays de filatures.

  Plus récemment les principales villes d'Alsace ont émis de nouveaux billets dans lesquels éclate la joie de la Patrie retrouvée: Strasbourg 0 fr. 50, « publique française », et au-dessous, « Ville de Strasbourg » ; Mulhouse (0 fr. 50, 1 franc) ; Colmar (0 fr. 50, avec une Alsacienne tenant le drapeau tricolore largement déployé).

Mais le plus glorieux de tous les billets n'est-il pas celui de la République française sur le Rhin (0 fr. 50), déjà populaire sous le nom de « Billet du poilu »°!

Il est enfin une dernière monnaie de guerre à signaler: la monnaie à l'usage des camps de concentration (Sainte-Margueritte, par exemple, 0 fr. 05, 0 fr. 10, 0 fr. 50, 1 franc, 5 francs) et des prisons de guerre. Afin de ne pas donner à ceux-ci des ressources qui auraient pu leur permettre ou leur faciliter l'évasion, on leur remit sous forme de .jetons ou bons, dénués de valeur pour le public, le montant de leur salaire et des mandats-poste qu'ils recevaient de leurs familles. Les cantines militaires les acceptaient comme argent. Ils sont très nombreux et très variés, soit bons manuscrits avec le cachet du commandant du camp, soit petits cartons typographiés. Ce n'est point ici le lieu de les énumérer. Cependant ceux de la 15e région (Marseille), bruns, Meus, rouges et verts, et ceux de Bressuire, ne sont pas dénués d'intérêt artistique.

F. mazkrollk.


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