LES ECHOS DE


MONTCORNET


n° 5

 

 X…… sur le Front ; 25 septembre 1915

 

Chers Montcornetois

 

Le rédacteur des «échos » quittant pour une fois ses «fortifs» des bois de l’….., va rendre compte à ses lecteurs de son voyage parmi les réfugiés. Tout d’abord, j’ai à vous remercier, vous tous qui m’avez invité à passer «chez vous!» mes quelques jours de permission, et vous exprime aujourd’hui toute ma reconnaissance. Dispersés comme vous l’êtes aux quatre coins de la France, j’ai du limiter mon voyage en une seule région.

Quelle joie de revoir des visages amis, d’échanger ses impressions, de pouvoir s’entretenir des absents, de causer à vous tous.

Que ce soit dans un vaste local que déjà partagent de bonnes religieuses dévouées, de l’héroïque Belgique martyre ; que ce soit dans une modeste villa des bords de la  mer ou dans un garni d’hôtel parisien, la situation de nos chers réfugiés m’a paru plutôt pénible. J’ai compris qu’il leur fallait du courage, beaucoup de courage ! Sans doute ils n’ont pas à craindre de l’ennemi, mais cependant j’ai vu tout autour d’eux un ennemi  non moins dangereux : le pessimisme démoralisateur qui, par ses conversations de neurasthénique veut ajouter une souffrance de plus aux angoisses bien légitimes de nos chers émigrés, le découragement. Mais il faut leur rendre justice et les féliciter sincèrement ; nos réfugiés ont pris le meilleur parti comme il convient de le faire en ce moment ; accepter courageusement dans les meilleures conditions possibles l’existence que procure la guerre ; attendre avec confiance le retour dans la petite Patrie, puisant dans la prière et la communion fréquente  les forces nécessaires pour supporter l’épreuve et chasser au diable les noires pensées. A Lisieux, centre de pèlerinage, une faveur insigne m’était réservée.

Grâce aux délicates intentions d’une honorables famille montcornétoise, grâce au bienveillant accueil qui me fut fait, en cette demeure hospitalière et désormais historique «des Buissonnets» je passais en ces lieux paisibles et charmants la plus grande partie de mes matinées, puisant dans cet atmosphère de piété et de paix, le calme réparateur qui succède à la tourmente, où l’âme se dilate, où l’esprit et le corps se reposent.

Dans cette «maison bénie», dans cet enclos délicieux «des Buissonnets», tout respire «Sœur Thérèse». Tout autour de soi, ce n’est que dévouement et charité, ou la bonté souriante et gaie, cachet particulier de la servante de Dieu, semble s’être personnifiée en la présence des maîtresses de céans (amies de sœur Thérèse) gardiennes fidèles et dévouées de ces lieux, où vécu «la petite Reine» où les chers souvenirs de «l’évangélique enfant» sont religieusement conservés.

Mais au fait ! Vous ne connaissez peut-être pas sœur Thérèse?

Aussi, je vous adresse sa photo. Conservez-la précieusement dans quelque doublure de capote. Pour l’instant, «ça vous laisse froid». Je le comprends et vous excuse ; Je l’ai été peut-être plus que vous.

Mais voyez-vous chers amis, j’ai été tellement renversé de voir combien le petite sœur aimait ses «frères» qui défendent si vaillamment sa chère France; j’ai lu tant de preuve de sa protection pour les «poilus»; j’ai vu tant de pèlerins défiler devant sa tombe, dès la première heure du jour jusqu’à la nuit tombante; j’ai vu tant de fidèles s’agenouiller, malgré la pluie battante, et y prier avec tant de ferveur et de foi; j’ai entendu de la bouche de personnes digne de foi le récit de faits tellement extraordinaires, que je vous engage à votre tour à placer votre confiance en sœur Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face.

Demandons lui, dès maintenant, chers combattants, quand une fois nous aurons lu la prière qui se trouve au dos de l’image, la grâce de ne pas « nous laisser partir » sans le secours de la religion si par hasard la balle, ou l’obus, ou l’asphyxiant nous signaient une permission «pour l’éternité». Demandons lui aussi, cela nous rassure, étant donné, je le répète, les faits surnaturels et vraiment miraculeux que j’ai lu (et qui seront publiés après la guerre) la conservation de notre individu au milieu de la rafale d’acier.

Recommandons lui aussi nos chères familles.

Faut-il y ajouter que je suis à votre entière disposition pour vous faire parvenir des reliques si vous le désirez; reliques que de pieuses mains de réfugiés confectionnent pour vous.

Faut-il aussi vous dire que vous me ferez plaisir en me demandant le petit opuscule qui vous fera mieux connaître votre « sœur» d’en haut, l’ange du carmel de Lisieux ; que cet envoi vous sera fait gratis (tarif spécial pour la durée de la guerre).Trois jours de cette existence au «Paradis Terrestre» s’écoulèrent en quatrième vitesse.

Vous voici à Saint Aubin/Mer ; quelle joie de partager le pain des réfugiés! de vivre encore quelques jours de cette vie de famille, à causer du pays. Mais ici, pèse le lourd fardeau de l’inquiétude, fardeau qu’il vous convient d’alléger en adressant à Dieu ses ferventes prières, pour que bientôt cette inquiétude se transforme en joie, et que nous ayons le bonheur de revoir parmi nous notre sympathique ami dont nous sommes sans nouvelles depuis 1 an.

Voici la capitale, asile de beaucoup de nos réfugiés.

Je regrette de ne pouvoir les voir tous, mais de bonnes nouvelles me rassurent sur leur compte. Partout le même accueil bienveillant, partout le même espoir, partout la même confiance, la même résignation. L’on se quitte, l’on se dit au revoir…. Et à bientôt.

Mais que de dévouements ignorés déploient nos réfugiés montcornétois !

 C’est une marraine dont la charité est inépuisable pour nos «  poilus » et qui ne compte plus ses nombreux filleuls de « chez nous» et «d’ailleurs» Qui, au besoin, remplace « la bonne maman » relevant par de bonnes lettres, des petites gâteries le moral de ses protégés.

Ce sont nos dévoués compatriotes confectionnant des pansements pour nos blessés, s’enrôlant dans diverses œuvres pour soulager nos soldats ; ce sont vos familles exilées qui songent «  aux sans famille», les invitent à partager les joies de leurs foyers, et j’en laisse, faute de place.

Serait-il téméraire de voir dans ces actes de charité le prélude ce «cette union fraternelle» qui, au retour, groupera, dans un même esprit, dans un même idéal, les âmes de bonne volonté qui voudront mettre en pratique les préceptes du Divin Maître, et que nous résumerons ainsi :

« Aimons-nous les uns les autres»

Bon courage, et confiance toujours….. et a bientôt

H. Romagny

 

 


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