De l'Illustration N.3866 du 7 avril 1917

COUCY le Chateau

LA PRISE DE LA VILLE ET DU CHATEAU

L'avant-garde de la ... est parvenus sur les bords du canal de l'Oise à l'Aisne et sur les rives de l'Ailette le 20 mars au matin. Les Allemands, se retirant en combattant, ont fait sauter presque toutes les maisons qui leur avaient servi d'abri, les ponts, puis le château de Coucy et toute la petite ville contenue dans son enceinte.

Il a fallu jeter des passerelles sous le feu de l'ennemi embusqué dans les bois qui bordent les rives ; traverser le canal et cinq bras de l'Ailette, puis des marécages; débusquer l'ennemi, — le tout sous un bombardement extrêmement violent des hauteurs de Coucy, avec obus asphyxiants. Il a fallu six jours pour parvenir à la lisière des bois qui entourent le château et gagner ainsi la possibilité, pour le génie, de construire des ponts permettant le passage des cuisines roulantes, des voiturettes de mitrailleuses, des munitions et de tout le matériel de protection, de plus en plus nécessaire à mesure qu'on avançait, contre la violence du feu, car le terrain marécageux empêchait de creuser des tranchées ou des abris.

Les hommes sont resté sept jours dans ces marécages, sans feu, et il pleuvait ou neigeait presque sans cesse.

Le 25 mars au soir, l'ennemi voulut tenter une contre-attaque en force. Toute une division était rassemblée, ainsi que l'ont raconté les prisonniers ; le bombardement était d'une intensité qui rappelait les jours les plus terribles de Verdun et de la Somme. Mais, devant les barrages de notre artillerie installée sur l'autre rive et l'audace de notre infanterie, les Allemands n'osèrent prononcer leur assaut.

Le 26, à la tombée de la nuit, nos fantassins sortaient des bois, homme par homme, et, par petits bonds, gagnaient le pied des pentes, à cent mètres des remparts d'où les mitrailleuses faisaient rage. Il leur fallait se coucher dans les ruisseaux et les fossés pleins d'une eau glacée pour s'abriter contre cette grêle de balles, pendant que notre artillerie concentrait son feu sur les abords du château.

En même temps, des fractions, profitant de l'obscurité, gagnaient, sur les derrières de l'enceinte, l'unique route qui pouvait servir de retraite aux Allemands. Quand ceux-ci découvrirent la manœuvre qui les encerclait, ils s'enfuirent en hâte, abandonnant munitions, équipements, et sans avoir le temps de faire sauter les dernières maisons où ils s'abritaient.

Ce sont les seules qui restent debout dans tout le pays. Mais tout le reste, château et ville, avait été détruit systématiquement. Même les arbres fruitiers en espalier étaient coupés au pied.

LA DÉVASTATION  ALLEMANDE

Les photographies prises du château de Coucy à, l'arrivée de nos troupes et celles qui rappellent son aspect antérieur, bien connu des archéologues et des touristes, montrent par leur opposition saisissante les résultats de la dévastation allemande, en attendant que les inspecteurs des monuments civils puissent établir exactement les proportions des nouvelles ruines. L'écroulement des tours de chaque côté des murailles qui subsistent ne permet plus de reconnaître le château tel qu'il apparaissait, du Nord-Ouest, vu de la route de Chauny, sous son aspect le plus romantique, avec l'énorme masse cylindrique du Donjon qui dominait les courtines et les quatre tours d'angle encadrées par les arbres.

Dans l'étude qu'il a consacrée au château de Coucy, dans la collection des Petites Monographies des grands Edifices de la France, M. E. Lefèvre-Pontalis a fixé les caractéristiques de ce chef-d'œuvre de l'architecture militaire du moyen âge. On sait que le château fut élevé de 1225 à 1230 par Enguerrand III, sire de Coucy, sur l'emplacement et les débris d'un château fort (municio) construit au début du dixième siècle par Hervé, archevêque de Reims. Dans son plan primitif, la nouvelle construction comprenait quatre tours cylindriques de 35 mètres de hauteur et un donjon qui était, par ses proportions, la plus grosse tour du monde. Divisé en trois salles superposées avec des galeries et des voûtes à nervures, il avait 31 m. 25 de diamètre et 54 mètres de hauteur. Au rez-de-chaussée, l'épaisseur du mur était de 7 m. 46 ; aussi peut-on croire le Vorwoerts, de Berlin, qui a dit dans une note officieuse que les pionniers allemands avaient dû employer, pour leur œuvre de destruction de la plus grosse tour du monde, 28.000 kilos d'explosifs. Ce n'est pas l'heure de rappeler la longue et magnifique histoire des sièges successifs que supporta le château de Coucy. Du moins ne doit-on manquer de reproduire l'orgueilleuse devise des Coucy, dont le texte, fréquemment déformé, est le suivant :

            Roi ne suis, Ne prince, ne  duc, ne comte aussi, Je suis le sire de Coucy.

Le plan que nous reproduisons indique la configuration générale et l'orientation du château, l'enceinte de sa basse-cour ou baille et celle de la ville.

Démantelé eu 1652 par Mazarin, le château avait servi de carrière inépuisable aux maçons d'alentour jusqu'en 1856, où il devint domaine d'Etat et où, sur l'initiative de Viollet-le-Duc, le Donjon qui menaçait de s'écrouler fut chaîné par deux cercles de fer, à la hauteur des corbeaux, et recouvert d'une toiture, tandis que ses lézardes étaient reprises avec le plus grand soin.

Aujourd'hui, de ce Donjon dont la silhouette caractéristique, une fois vue, demeurait gravée dans la mémoire, il ne reste qu'un monstrueux amoncellement de pierres. Les mines allemandes n'ont d'ailleurs laissé subsister, du château entier, que des pans de murailles, dont nos photographies comparatives permettent de rétablir la situation. Les quatre tours angulaires ont disparu, et là où elles dominaient les murailles, se creusent au contraire des brèches plus profondes. Les blocs qui les formaient se sont éboulés sur les pentes, ravageant les arbres dont le décor sertissait ce merveilleux ensemble.

Doit-on ajouter combien ce nouvel exploit du vandalisme allemand est inutile au point de vue militaire actuel, partant inexcusable ? C'est la situation de Coucy qui est importante, sur son promontoire. Que les ruines soient plus ou moins hautes de quelques mètres, la position stratégique reste la même et la vue que l'on y découvre n'en est pas moins étendue: à l'Est, c'est la route de Laon qui traverse le plateau; à l'Ouest, la route de Chauny; au Sud, la vallée de l'Ailette où aboutissent les routes de Soissons et de Noyon, — la vallée de l'Ailette par laquelle sont venus nos soldats.

Avant : le chateau vu de l'Est
Avant : le chateau vu de l'Est
Après : le chateau vu de l'Ouest
Après : le chateau vu de l'Ouest
Plan de l'enceinte au XIIIe siècle
Plan de l'enceinte au XIIIe siècle
Avant : vue du Nord-Ouest
Avant : vue du Nord-Ouest
Après : vue du Nord-Ouest
Après : vue du Nord-Ouest

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